Il pleut sur l'île d'Hiva-Oa. Le vent, sur les longs arbres verts Jette des sables d'ocre mouillés. Il pleut sur un ciel de corail Comme une pluie venue du Nord Qui délave les ocres rouges Et les bleus-violets de Gauguin. Il pleut. Les Marquises sont devenues grises. Le Zéphir est un vent du Nord, Ce matin-là, Sur l'île qui sommeille encore. Il a dû s'étonner, Gauguin, Quand ses femmes aux yeux de velours Ont pleuré des larmes de pluie Qui venaient de la mer du Nord. Il a dû s'étonner, Gauguin, Comme un grand danseur fatigué Avec ton regard de l'enfance. Bonjour monsieur Gauguin. Faites-moi place. Je suis un voyageur lointain. J'arrive des brumes du Nord Et je viens dormir au soleil. Faites-moi place. Tu sais, Ce n'est pas que tu sois parti Qui m'importe. D'ailleurs, tu n'es jamais parti. Ce n'est pas que tu ne chantes plus Qui m'importe. D'ailleurs, pour moi, tu chantes encore, Mais penser qu'un jour, Les vents que tu aimais Te devenaient contraire, Penser Que plus jamais Tu ne navigueras Ni le ciel ni la mer, Plus jamais, en avril, Toucher le lilas blanc, Plus jamais voir le ciel Au-dessus du canal. Mais qui peut dire ? Moi qui te connais bien, Je suis sûre qu'aujourd'hui Tu caresses les seins Des femmes de Gauguin Et qu'il peint Amsterdam. Vous regardez ensemble Se lever le soleil Au-dessus des lagunes Où galopent des chevaux blancs Et ton rire me parvient, En cascade, en torrent Et traverse la mer Et le ciel et les vents Et ta voix chante encore. Il a dû s'étonner, Gauguin, Quand ses femmes aux yeux de velours Ont pleuré des larmes de pluie Qui venaient de la mer du Nord. Il a dû s'étonner, Gauguin. Souvent, je pense à toi Qui a longé les dunes Et traversé le Nord Pour aller dormir au soleil, Là-bas, sous un ciel de corail. C'était ta volonté. Sois bien. Dors bien. Souvent, je pense à toi. Je signe Léonie. Toi, tu sais qui je suis, Dors bien.