On dirait un fanatique De la cause halieutique, Avec sa belle canne et Son moulinet. Mais s'il pêche, c'est pour rire, Et l'on peut être certain Que jamais sa poêle à frire Vit le plus menu fretin. La pêche, à ce qu'on raconte, Pour lui n'est en fin de compte Qu'un prétexte, un alibi - On connaît pis - Un truc, un moyen plausible De fuir un peu son chez-soi Où sévit la plus nuisible Des maritornes qui soient. Avec une joie maligne, Il monte au bout de sa ligne Tout un tas d'objets divers Des bouts de fer, Des paillassons, des sandales, Des vieilles chaussett's à clous, Des noyés faisant scandale Aussitôt qu'on les renfloue. Si, déçu par une blonde, Pensant faire un trou dans l'onde, Tu tiens plus à te noyer Qu'à te mouiller, Désespéré, fais en sorte D'aller piquer ton plongeon, De peur qu'il ne te ressorte, A l'écart de son bouchon. Quand un goujon le taquine, Qu'un gardon d'humeur coquine Se laisse pour badiner Hameçonner, Le bonhomme lui reproche Sa conduite puérile, Puis à sa queue il accroche Un petit poisson d'avril. Mais s'il attrape une ondine, L'une de ces gourgandines, Femme mi-chair mi-poisson, Le polisson - Coup de théâtre - dévore Tout cru le bel animal : Une cure de phosphore, Ça peut pas faire de mal. Quand il mourra, quand la Parque L'emmènera dans sa barque, En aval et en amont, Truites, saumons, Le crêpe à la queue sans doute, L'escorteront chagrinés, Laissant la rivière toute Vide, désempoissonnée. Lors, tombés dans la disette, Repliant leurs épuisettes, Tout penauds, tout pleurnicheurs, Les vrais pêcheurs Rentreront chez eux bredouilles Danser devant le buffet, Se faisant traiter d'andouilles Par leur compagne. Bien fait !