Le soleil quand il peut Se lever sur ma ville Eclaire d'un rayon Timide les toits des maisons Mais c'est le plus souvent La grisaille du temps Qui donne des couleurs A ma cité de travailleurs Une ville dressée Dans l'ombre de ses cheminées Comme un château plein de créneaux démesurés Dans notre citadelle On a placé pour sentinelles Des haut-fourneaux, des châteaux d'eau sur les tourelles S'il est un coin de France Un rendez-vous d'errance Comme un point de repère A l'existence en bandoulière C'est mon village gris Qui aurait trop grand Ma ville d'émigrants De l'hiver du soleil levant Perdu le beau langage On était venu sans bagage De Basse-Terre ou de la mer en plein orage Forts de nos espérances On venait tenter notre chance Loin des amis, loin du pays de notre enfance Rien qui fasse rêver Comme un conte de fées Sans jamais décevoir Sinon de changer notre histoire Le sentier n'est pas long De l'usine aux maisons La route buissonnière Tente nos âmes prisonnières Perdus nos chants d'amour On ne peut pas vivre toujours Comme au pays qui nous oublie de jour en jour Dans cette transhumance En conjuguant nos différences Notre couleur et notre cœur ont ressemblance Que de tristes dimanches Au fond des cités blanches Qu'un soleil de printemps N'éclaire que de temps en temps Et ces arbres plantés Sur une herbe rasée Ne porteront jamais Le souvenir de nos forêts Perdu notre chemin On ne sait vraiment plus très bien De quel côté vont se lever tous nos matins Alors en attendant La ville sur les imprudents S'est refermée de tous côtes tout doucement