Quand on a dix-huit ans Des amis merveilleux Fainéants Pique-assiette et que l'on est comme eux Pas bégueules On va dans les salons Snobinards et dorés Jouer Les anarchistes aigris, les révoltés Forts en gueules Je n'oublierai jamais Le troupeau de crevards Hirsutes et mal lavés Arrivant quelque part Assaillant le buffet Et jetant au hasard Les pattes dans les mets Sous de tristes regards De détresse Je n'oublierai jamais Nos hurlement d'horreur En voyant des objets Des tableaux de valeur On se montrait exprès Goujats et monstrueux Et puis l'on décampait Sans merci, ni adieu A l'hôtesse On se voulait cyniques Exécrables, et pourtant Nous étions romantiques faits de chair et de sang De faiblesse Je n'oublierai jamais Je n'ai pas de remords Et je recommencerai Si je tenais encore Ma jeunesse A l'époque on était De joyeux rigolos Plus ou moins Attachés A de vagues journaux très obscurs Philosophes, écrivains Poètes d'occasion Illustres inconnus Néanmoins Nous avions la dent dure Je n'oublierai jamais Nos merveilleux festins Près des tonneaux percés D'où pissait le bon vin Quand nous étions vautrés Dessus ou bien dessous Que le jus nous coulait Dans le nez, dans le cou Les entrailles Je n'oublierai jamais Nos cris et nos serments Nos discours enflammés Sur le désarmement Nos folles équipées Nos courses éperdues A travers un quartier Qui nous crachait dessus Nos batailles Les filles à la page Qui partageaient nos jours Et faisaient le ménage La cuisine, et l'amour Tendres cailles Je n'oublierai jamais Ce que j'ai vu s'enfuir Je n'ai pas de regrets Car j'ai des souvenirs En pagaille