Peuple de Navarre et de France Des Batignolles et du Jura Oyez cette triste romance ! Oï ! Aï ! Ma mère ! Oï ! Aï ! Papa ! C'est l'horrible mésaventure Qu'eut, y a quelque temps qu'ça s'passa, Un professeur d'littérature Oï ! Aï ! Ma mère ! Oï ! Aï ! Papa !
De ses élèves, nous dit l'histoire, Abélard, il s'app'lait comme ça, Fatiguait beaucoup la mémoire Oï ! Aï ! Ma mère ! Oï ! Aï ! Papa ! Un chanoine de Saint Sulpice Comme répétiteur le donna à Sa nièce Héloïse, une novice Oï ! Aï ! Ma mère ! Oï ! Aï ! Papa !
Le tuteur de la demoiselle Lui avait inculqué déjà Plus d'une leçon superficielle Oï ! Aï ! Ma mère ! Oï ! Aï ! Papa ! Mais ça n'laissa pas d'la surprendre Quand l'bel Abélard lui donna Un très long morceau à apprendre Oï ! Aï ! Ma mère ! Oï ! Aï ! Papa !
N'pouvant se l'entrer dans la tête La pauvre petite se dépita Et s'mit à pleurer comme une bête Oï ! Aï ! Ma mère ! Oï ! Aï ! Papa ! Abélard lui disait "Patience Votre intelligence s'ouvrira" Elle y mettait pas d'complaisance Oï ! Aï ! Ma mère ! Oï ! Aï ! Papa !
Or le tuteur, comme dans un drame Une nuit chez Abélard entra Lui diminuer son programme Oï ! Aï ! Ma mère ! Oï ! Aï ! Papa ! Mais dans son ardeur criminelle, Au lieu d'élaguer, y r'trancha La partie la plus essentielle Oï ! Aï ! Ma mère ! Oï ! Aï ! Papa !
Et depuis c't'acte attentatoire Jamais Abélard ne r'trouva Le fil perdu de son histoire Oï ! Aï ! Ma mère ! Oï ! Aï ! Papa ! Quoique ayant pris goût aux préludes, Héloïse, à cinquante ans d' là, Mourut sans finir ses études Oï ! Aï ! Ma mère ! Oï ! Aï ! Papa !