Sur le dos cabossé D'une vieille oubliée, Dans un coin de la terre, Un fagot de bois mort, Versant de ses deux bords, Hoquetait sur les pierres Lourd, lourd est le fardeau, Plus lourd encore à chaque pas nouveau. Menton à fleur de pierre, La vieille traîne misère Et porte sa richesse, L'hiver écrase sa morgue Et le vent joue de l'orgue Avec ses jambes sèches Lourde, lourde est la misère, Plus lourde encore sous le joug de l'hiver. Le fagot, à chaque pas Devient un peu plus plat Sur le dos de la vieille, Mais elle ne s'arrête pas, Et reste peu de bois A trois pas de chez elle, Lasse, lasse était la vieille, Plus lasse encore qu'au retour de la veille. Par le papier huilé, La porte dentelée, Suinte un coin de lumière, Et la vieille est entrée, Elle a pour se chauffer, Immolé sa misère, Brûle, bois mort, Tu es l'or de misère, Chauffe plus fort Ce qu'il reste de chair. Mais il n'en restait pas lourd, Et le feu tourna court Aussitôt flamme claire, Et la vieille oubliée S'en retournait chercher Son bois mort de misère. Dieu, la voyant et peiner et gémir, Tant eut pitié qu'il crut bon d'intervenir, "Réjouis-toi, je t'inscris dans mon livre, Va, je t'accorde encore dix ans à vivre."
Compositor: Paroles et Musique: Georges Chelon 1965