À l’aube. Je résisterai tant qu’il y aura sur le mur une page blanche et que les doigts de mes mains n’auront pas fondu – quelqu’un tape – un message sur le mur. Ces fils sont devenus sont veines, les veines de ces murs, tout notre sang se déverse dans les veines de ces murs. Un message à travers le mur : ils ont fermé une autre cellule. Ils ont achevé un prisonnier. Ils ont ouvert une autre cellule. Ils ont amené un prisonnier. Au milieu de la journée. Ils ont posé devant moi le papier, ils ont posé devant moi le crayon, ils m’ont mis dans la main la clé de ma maison. Le papier qu’ils ont voulu souiller à dit : résiste. La clé de la maison a dit : au nom de chaque pierre de ton humble maison, résiste. Quelqu’un tape sur le mur c’est le message d’une main brisée qui dit : résiste. Et la pluie tombe martelant le tout de la salle de torture chacune de ses gouttes crie : résiste. Apres le coucher du soleil. Personne n’est avec moi, personne n’entend la voix de cet homme, personne ne le voit, chaque nuit, quand les murs et les portes se ferment il sort de mes blessures qui saignent et marche dans ma cellule. C’est moi, il ers comme je suis je le vois tantôt enfant, tantôt à mes vingt ans, il est mon unique consolation, mon amour unique, il est la lettre que j’écris chaque nuit, le timbre-poste que j’y colle pour qu’elle aille au vaste monde à la petite partie. Cette nuit je l’ai vu sortant de mes blessures, triste, éperdu, torturé marchant en silence, ne disant rien, comme s’il disait «tu ne me verras plus si tu avoues, si tu écris».
(At dawn. I’ll resist. As long as there’ll be a blank page on the wall. As long as my fingers don’t melt. Someone’s knocking, a message through the wall: they locked another cell. They killed a prisoner. They opened another cell. They brought a prisoner. At noon. They put a paper in front of me, they put a pen in front of me, they put the key to my house in my hand. The paper they wanted to stain said: resist. The key to the house said: in the name of every stone of your humble home, resist. Someone’s knocking on the wall. A message from a broken hand saying: resist. And the rain falls hammering the roof of the torture room. Every drop yells: resist. At dusk. I’m with no one, the voice of this man is heard by no one. He’s seen by no one. Every night, when walls and doors close, he walks out of my bleeding wounds and stands in my cell. It’s me, he’s just as I am sometimes as a child sometimes aged 20, he’s my only comfort, my only love, he’s the letter I write every night, the stamp I stick on it to send it the whole world over. To send it to my tiny homeland. I saw him tonight, walking out of my wounds, sad, frantic, tortured, walking silently, speechless as if to say: «you won’t see me anymore if you admit, if you write it down».)