Un poète immortel au talent ravageur A proclamé bien haut le droit à la laideur Et depuis les affreux les miteux les bossus Au banquet de l'amour s'attablent tant et plus C'était bien essayé mais hélas le beau Serge Limitait son propos aux seuls porteurs de verges Et les dames trop mal servies par la nature De chasteté longtemps porteront la ceinture
Pauvres hommes de peu de goût Troublés par ces canons qui nous Obsèdent Il nous faudra bien du délai Pour saisir la beauté cachée Des laides
Pourtant qui certifie que des traits réguliers Des fesses bien sculptées, des roberts en acier Promettent des summums de plaisirs génitaux ? Pas de septième ciel garanti sur photo ! Alors qu'un nez trop long ou un léger strabisme Peuvent dissimuler des trésors d'érotisme Que les imperfections et les défauts plastiques Ont disparu dès lors qu'on passe à la pratique
Pauvres hommes de peu de goût Troublés par ces canons qui nous Obsèdent Il nous faudra bien du délai Pour saisir la beauté cachée Des laides
Insulte au souvenir de ce pauvre Rubens L'oukase qui commande aux femmes d'être minces Prétend stupidement que pour être sexy Le moyen le plus sûr serait l'anorexie Combattons jusqu'au bout ce diktat détestable Qui prive nos amies des plaisirs de la table Qui éloigne nos mains des rondeurs capiteuses Nous frustrant du bonheur des amours adipeuses
Pauvres hommes de peu de goût Troublés par ces canons qui nous Obsèdent Il nous faudra bien du délai Pour saisir la beauté cachée Des laides
Restreindre nos désirs aux seuls prix de beauté Tient du mauvais calcul, si l'on veut bien compter Quand le tri est sévère, la passion réductrice Le nombre d'éligibles est divisé par dix A négliger l'épine, à poursuivre la rose D'un amour exclusif, à la fin on s'expose A se trouver le soir privé de bagatelle Le coeur en bandoulière et la queue sous l'aisselle
Pauvres hommes de peu de goût Troublés par ces canons qui nous Obsèdent Il nous faudra bien du délai Pour saisir la beauté cachée Des laides
Attendez ! Ce moment est-il si éloigné ? Je me sens pour ma part prêt à tout empoigner De tous les préjugés je pose le fardeau A tous vents désormais rugit ma libido Je revis, je renais, enfin je me réveille A moi les laiderons, à moi les thons, les vieilles Et même puisqu'il faut avoir l'esprit très large Approchez les beautés, vous aussi je m'en charge !
Pauvres hommes de peu de goût Troublés par ces canons qui nous Obsèdent Pourrons-nous sans trop de délai Voir enfin la beauté cachée Des laides ?