L'âge idiot, c'est à vingt fleurs Quand le ventre brûle de faim Qu'on croit se laver le cœur Rien qu'en se lavant les mains Qu'on a les yeux plus grands que le ventre Qu'on a les yeux plus grands que le cœur Qu'on a le cœur encore trop tendre Qu'on a les yeux encore pleins de fleurs Mais qu'on sent bon les champs de luzerne L'odeur des tambours mal battus Qu'on sent les clairons refroidis Et les lits de petite vertu Et qu'on s'endort toutes les nuits Dans les casernes L'âge idiot, c'est à trente fleurs Quand le ventre prend naissance Quand le ventre prend puissance Qu'il vous grignote le cœur Quand les yeux se font plus lourds Quand les yeux marquent les heures Eux qui savent qu'à trente fleurs Commence le compte à rebours Qu'on rejette les vieux dans leur caverne Qu'on offre à Dieu des bonnets d'âne Mais que le soir on s'allume des feux En frottant deux cœurs de femmes Et qu'on regrette déjà un peu Le temps des casernes L'âge idiot c'est soixante fleurs Quand le ventre se ballotte Quand le ventre ventripote Qu'il vous a bouffé le cœur Quand les yeux n'ont plus de larmes Quand les yeux tombent en neige Quand les yeux perdent leurs pièges Quand les yeux rendent les armes Qu'on se ressent de ses amours Mais qu'on se sent des patiences Pour de vieilles sur le retour Ou des trop jeunes en partance Et qu'on se croit protégé Par les casernes L'âge d'or c'est quand on meurt Qu'on se couche sous son ventre Qu'on se cache sous son ventre Les mains protégeant le cœur Qu'on a les yeux enfin ouverts Mais qu'on ne se regarde plus Qu'on regarde la lumière Et ses nuages pendus L'âge d'or c'est après l'enfer C'est après l'âge d'argent On redevient petit enfant Dedans le ventre de la terre L'âge d'or c'est quand on dort Dans sa dernière caserne