Il avait 30 ans à cette époque là,
Reporter sur le terrain, freelance, difficile de boucler ses fins de mois,
De nourrir ses deux mômes et sa femme en cloque du troisième,
Il les voyait rarement et rentrait à peine le week-end,
Surtout en cette période où l’actualité battait de l’aile,
Chômage, politique et catastrophes naturelles,
Déplacer dans le sud pour couvrir les inondations,
Il figeait la détresse, et évitait la compassion.
On lui avait appris tout ça à la fac,
Il était là pour informer les gens et pas pour les sortir des flaques,
Seulement un jour les sapeurs étaient pas dans le secteur
Et cette gamine braillait dans l’eau depuis déjà un bon quart d’heure,
Elle dans la boue jusqu’au cou, lui dans la merde jusqu’où ?
C’était soit la vie d’une gosse, soit le scoop.
Quand il a fait son choix la petite avait déjà coulé,
Le comble, c’est qu’il n’avait qu’un fleuve boueux sur le cliché.

C’était son premier jour et le dernier,
En tant que convoyeur de fonds, 20 ans et sur son badge écrit Bernier.
Issu d’un milieu ouvrier, il rêvait d’un salaire fixe
Et se croyait à l’abri en travaillant à la Brinks.
Il s’imaginait blindé autant que son véhicule,
Son fourgon bleu et blanc, qui contenait un bon petit pécule.
Celui de deux trois bars-tabacs et de la BNP,
Il avait du oublier certains mots comme : TNT,
Braquage, vol, fusillade, histoire de garder son sang-froid
… matricule 163
A l’occas’, il bossait sa mise en joue, au cas où quoi
Sans penser qu’ils avaient des bazookas
Et qu’ils l’aligneraient au lance-missiles
Et qu’ça ferait (boom)… irréel…
Ce type est mort pour un gros paquet de fric,
Alors que lui touchait tout juste le smic...