J'ai mis de la vie Dans le corps transi D'une poupée de porcelaine Un peu démodée, Trop bien élevée, Vêtue de lin, vêtue de laine. Elle avait quinze ans, L'âge où les enfants Ne s'amusaient plus avec elle. Je suis adulte, Je suis inculte. Je ne sais rien de la marelle. Quand elle a posé Son corps de poupée Contre le mien, dans une chambre, Elle ignorait tout De ce qui se joue Dans la peau d'un corps qui se cambre. Elle m'a rendu, Silencieuse et nue, Dans son maintien de bonne élève, Le goût d'apprendre, Le goût d'attendre Longtemps le matin qui se lève. Il était grand jour Quand j'ai fait l'amour Avec l'enfant devenue femme. Il était midi Quand elle est partie Avec un air de grande dame. Elle m'a dit : "Salut. Ce que j'avais lun Tu m'en as montré l'existence." Tu répétais "Amour, liberté" C'était aussi pour moi, je pense. Elle a pris le train Pour le long chemin, Semé de boue, semé d'embûches. Tapie dans les draps Elle aura pris froid D'attendre qu'un amour débuche Et, de loin en loin, Je la voyais bien, Toujours en train, toujours en quête, Toujours perdue, Toujours déçue, Toujours en amour, toujours prête. D'année en année, On s'est retrouvés Quand l'un de nous était en peine. On faisait l'amour Et les mauvais jours Ne finissaient pas la semaine. On se racontait Puis on se quittait En se disant qu'il fallait vivre Pour se reprendre Ou pour s'attendre Au prochain chapitre du livre. Je sais maintenant Qu'elle a un enfant, Un mari, confort et bien-être. Elle n'a plus le temps. Elle n'a plus d'amants. Du moins, c'est ce que dit sa lettre. Mais moi, j'attendrai Qu'elle en ait assez Et qu'elle reprenne sa route, Qu'elle me revienne, Qu'elle se souvienne Et nous nous aimerons sans doute.
Composição: Paroles et Musique: Maxime Le Forestier 1975