C'est un vieux port de Malaisie, Pourri sur pied sous le soleil. L'alcool de la dernière nuit Engourdit encore ma cervelle. Une grosse chinoise assoupie Au bar, attend la clientèle, La chaleur de l'après-midi Coule sur les murs du bordel. Ici, quand on y met le prix On peut s'en payer de plus belles, Comme partout, d'ailleurs, et puis On retrouve au fond des bouteilles,
Comme un goût de solitude, Une envie d'aller plus loin, Et cette folle certitude Que quelque part il y a quelqu'un!
Et Arthur étale sa vie: Dix-sept ans qu'il est capitaine Entre Bangkok et l'Australie, Entre cette pute et la prochaine. Les parfums du marché aux fruits Se mêlent aux relents qui se traînent: Odeur du fleuve et d'eau croupie, Poissons morts que la mer emmène. Hier, j'ai bu pour trouver l'oubli, Hier, j'ai bu pour une semaine, J'ai mélangé bière et whisky, Trouvé, dans l'amour et la haine,
Comme un goût de solitude, Une envie d'aller plus loin, Et cette folle certitude Que quelque part il y a quelqu'un!
Je boirai encore aujourd'hui Avec les gars de l'équipage, Avec Arthur qui balbutie, Qui sait plus son, plus son âge. Demain, sur son cargo pourri, On cherchera d'autres rivages. On cherche quoi, on cherche qui, Quand on s'en va, quand on voyage? C'est un vieux port de Malaisie, Un oiseau plane sur la plage, J'ai tué l'espoir, j'ai tué l'ennui, Mais je garde dans mes bagages
Comme un goût de solitude, Une envie d'aller plus loin, Et cette folle certitude Que quelque part il y a quelqu'un, Comme un goût de solitude!