Nous étions au nombre de mille Venus d'Italie et d'ailleurs Garibaldi, dans la Sicile Nous conduisait en tirailleurs J'étais un jour seul dans la plaine Quand je trouve en face de moi Un soldat de vingt ans à peine Qui portait les couleurs du roi Je vois son fusil se rabattre C'était son droit, j'arme le mien Il fait quatre pas, j'en fais quatre Il vise mal, je vise bien.
Ah ! Que maudite soit la guerre Qui fait faire de ces coups-là Qu'on verse dans mon verre Le vin de Marsala !
Il fit demi-tour sur lui-même. Pourquoi diable m'a-t-il raté ? Pauvre garçon ! il était blême Vers lui je me précipitai. Ah ! je ne chantais pas victoire Mais je lui demandai pardon Il avait soif, je le fis boire D'un trait il vida mon bidon. Puis je l'appuyai contre un arbre Et j'essuyai son front glacé. Son front sentait déjà le marbre S'il pouvait n'être que blessé...
Ah ! Que maudite soit la guerre Qui fait faire de ces coups-là Qu'on verse dans mon verre Le vin de Marsala !
Je voulus panser sa blessure J'ouvris son uniforme blanc La balle, sans éclaboussure Avait passé du coeur au flanc. Entre le drap et la chemise Je vis le portrait en couleurs D'une femme vieille et bien mise Qui souriait avec douceur. Depuis, j'ai vécu Dieu sait comme, Mais tant que cela doit durer Je verrai mourir le jeune homme Et la bonne dame pleurer.
Ah ! Que maudite soit la guerre Qui fait faire de ces coups-là ! Qu'on emporte mon verre ! C'était à Marsala.