Dans une impasse informe Une vieille difforme Monologue sa vie Au fond d'un vieux taudis Une studio délabrée Dont ses enfants paient le loyer Cette vieille édentée Dans ses dentelles Ses vieux bouts de ficelle Elle a de vieux journaux Un vieux chapeau Un vase de nuit Et même des rideaux d'organdi Cette vieille édentée qui vit dans ses dentelles Son vieux service à thé Et sa vielle vaisselle Se remet à son cou Ses vieux bijoux Le samedi soir pour se voir dans son vieux miroir Cette vielle édentée Au bon temps des ombrelles Avait des lords anglais Qui se ruinaient pour elle On voit moustache en gros Dans des tableaux Leur fier dédain Que la mort emporta soudain Cette vieille toupie J'habite en dessous d'elle Et quand elle est partie Pour la vie éternelle Ses enfants m'ont prié De la veiller pendant la nuit En bon voisin moi j'ai dit oui Alors aussitôt seul moi J'ai fouillé dans ses vieilles dentelles Et dans ses vieux papiers Ses vieux bouts de ficelle J'ai pris les vieux journaux Le vieux chapeau Le vase de nuit Et même des rideaux d'organdi J'ai pris les chandeliers J'ai laissé les chandelles Le vieux service à thé Et la vieille vaisselle Songeant aux héritiers J'ai pas osé car j'ai du cœur prendre le réfrigérateur laissant le parapluie J'ai raflé les ombrelles Dédaignant le tapis J'ai pris les aquarelles Et bien sûr les tableaux Où les vieux beaux cocus d'antan N'avaient pas du tout l'air contents J'ai vidé les tiroirs Des bijoux de la vieille Des perles en sautoirs Et des boucles d'oreilles J'ai pris les pièces en or Rangées en ordre Et puis surtout J'ai pris mes jambes à mon cou Et depuis j'ai ouvert En Normandie Dans l'Eure Un magasin de brocanteur Et depuis j'ai ouvert En Normandie Dans l'Eure Un magasin de bric Un magasin de brac Un magasin de brocanteur.