Hier matin, notre commandant Nous a dit que le bâtiment S'en allait partir à la guerre. Par la présente, votre fieu S'en vient vous dire son adieu, bonne grand-mère !
J'aurais bien voulu, 'core un coup Mettre mes bras à votre cou, Tout comme au temps de votre enfance ; Mais, l'un et l'autre, oublions pas Qu'à présent votre petit gars est à la France !
Les camarades du pays À leurs parents, à leurs amis, Font aussi leurs adieux, bien vite, Espérant que la lettre-ci Vous trouvera vaillants, ainsi qu'elle nous quitte.
Je veux être le mieux noté Pour m'en revenir breveté Peut-être même quartier-maître ! Avec mes galons frais cousus... Je rirais si vous n'alliez plus me reconnaître
Si je meurs - dame ! faut tout prévoir Vous prierez pour moi, chaque soir, Madame la Vierge Marie : Dites-vous, dans votre chagrin, que je suis mort en bon marin, pour la Patrie !
Voici qu'on sonne le départ !... Embrassez, tout doux, de ma part, Celle à qui chaque jour, je pense, Qu'elle me conserve son cœur ; Il sera, si je suis vainqueur, ma récompense.