Il s'appelait Kergariou Et s'en venait on ne sait d'où Probablement du Finistère Bien qu'il eut d'illustres aïeux Il était pauvre comme un gueux Et n'en faisait aucun mystère Portait l'habit des anciens jours Et mettait le même toujours Hiver, été, printemps, automne Vint à Paris en bragou-braz Appuyé sur un grand pen baz À la bretonne
Dès en arrivant à la Cour Il eut deux duels chaque jour Le matin et l'après soupée Pour prouver aux gens de bon ton Que, s'il jouait bien du bâton, Il tirait encore mieux l'épée Il n'avait que des ennemis Au vingtième, il eut pour amis Tous les grands de la Capitale Devint alors un élégant À bible, jabot, catogan À la royale
Un beau jour enfin, par surcroît Entra dans les houzards du roi Dont il fut bientôt capitaine Devint la terreur des époux Eut deux, trois, quatre rendez-vous Et puis les compta par douzaines De tout cœur il fut triomphant Du farouche qui se défend Et du craintif qui se hasarde Hop là, tous ne faisaient qu'un saut Il vous les emportait d'assaut À la houzarde
Chantez trompettes et tambours Adieu Paris et les amours Kergariou part à la guerre Il s'y bat gaiement sans souci La mort est une femme aussi Kergariou ne la craint guère Or, au matin de Fontenoy Nous ayant crié "Suivez-moi !" Il bondit sur la troupe anglaise Reçut trois balles dans la peau Et mourut devant son drapeau À la Française