Moi qui fait ce trajet Les yeux fermés, Distrait par un décret Sans intérêt, J'ai raté l'arrêt. Ainsi je resterai Pendu par la main Dans les transports en commun. Je finis ma nuit Sur la barre d'appui, Sauf si l'on prend mon pied Pour un vieux papier. Dans les courbes, les chromes Aimantent les mains, Mes doigts meurent sous la paume De mon prochain. "Robespierre", je vais m'asseoir, "Danton", "Desmoulins", Je traverse l'histoire Sur un strapontin, Une banquette de moleskine, Un banc de sardine. La foule Est mon berceau. Je me dépêche vers toi À l'heure où l'on s'écrase. Elle appuie de tout son poids, Mais la foule est courtoise. Je reçois l'accolade Des camarades. L'hiver, le froid l'est moins Dans les transports en commun. Je me rends, mains en l'air, Par le funiculaire, Vers la chaude prison De ta combinaison. Je poursuis mon rêve Dans les transports en grève Et le dernier cahot Me réveille au dépôt. Dans les transports en commun, Les filles sont nerveuses. Les hommes ont le pied marin Et la main baladeuse. Sur la banquette Où je me jette, Je tords, le temps est long, Mon ticket de carton... Car l'allure est modeste À cause des travaux Et mon cœur, sous ma veste, Est un moineau. Au hasard je rencontre Le cadran d'une montre... Si je te dis, en plus, Que j'ai raté le bus. Avec ce retard là Tu ne m'ouvriras pas. Autant faire demi-tour Et remettre l'amour. Dans le bois, je gratte Nos deux prénoms Avec la date De péremption. Dans les transports en commun...