Grand-mère, Dis-moi ce qu'ils sont devenus Ces visages à nu Sur ces photos anciennes ? Grand-mère, Ces visages fanés Comme des fleurs séchées Dans une porcelaine Ces gens Qui ont l'air si vivant Qui ont l'air si mouvant Que tu penses souvent Voir le temps qui s'arrête Ces gens Sur un morceau de temps Comme un tapis volant Sur la mort qui nous guette
Grand-mère, Dis-moi ce qui fait que parfois Quand je pose mes yeux Sur ces coins d'existence Grand-mère, Je me dis qu'autrefois Ressemble à ces instants Où la vie recommence Instants Que je voudrais fixer Pour qu'ainsi esquissés Tout mon passé demain Soit du présent qu'on garde Instants Que j'aimerais colorier Sépia, sur du papier Impressions qu'on regarde
Grand-mère, Aussi c'est cette teinte-là Qui me parle je crois Mieux qu'un Polaroïd Grand-mère, Comme ces films d'avant Où le noir et le blanc N'ont pas pris une ride Sépia Comme je ne sais pas Comme je ne sais quoi Comme un peu de colza Sortant d'un marécage Sépia Comme l'eau des rivières Quand un reflet s'y perd Est miroir et voyage
Grand-mère, Et là j'imagine être toi Je deviens grand-papa Je te prends par la taille Grand-mère, Je deviens tous ces gens Que j'observe et pourtant Qui muets me détaillent Grand-mère, Ni couleur, ni valeur J'aime cette lueur Qui me trouble le coeur Ainsi qu'une romance Grand-mère, Et je m'y perds souvent Comme se perd le vent Sur les plaines immenses
Grand-mère, Dis-moi ce qu'ils sont devenus Ces regards inconnus Sur ces photos anciennes Grand-mère, Comme avant le baiser Les lèvres sont grisées Par l'embrun d'une haleine Dis-moi, Dis-moi pourquoi je crois Quand je vois poser là Ces vivants d'autrefois Qui maintenant reposent Je crois Qu'il n'est pour exister Que cette éternité Et que c'est en sépia Qu'on voit la vie en rose Grand-mère