Sur le bord du lac Léman, un beau jour d'été, Je la vis passer sans hésiter. Voyant son regard charmant, je lui dis bientôt "Voulez-vous faire un tour en bateau ?" "Oh non" dit-elle en rougissant J'ajoutais très prévenant :
Donnez-moi la main mam'zelle et ne dites rien, Mon canot vous semble frêle, donnez-moi la main. Seule sur la rive, vous semblez craintive, N'auriez-vous pas le pied marin ? Donnez-moi la main bien vite, vous ne voulez pas ? Redouteriez-vous, petite, de faire un faux-pas ? Lancez-moi votre ombrelle et quittez cet air inquiet. Donnez-moi la main mam'zelle, ah ça y est.
Nous voguions très lentement et je l'admirais En pensant tout bas quel sourire frais, Un beau cygne fièrement passa près de nous, Elle fit un mouvement si doux Que tout à coup, n'y tenant plus, Je murmurai très ému :
Donnez-moi la main mam'zelle et ne dites rien Puisque l'amour nous appelle, donnez-moi la main. Laissez-moi vous dire que je vous désire, Que c'est plus qu'un petit béguin. Donnez-moi la main bien vite, vous ne voulez pas ? Refuseriez-vous, petite, de faire un faux-pas ? Ouvrez grand votre ombrelle pour nous cacher des curieux Donnez-moi la main mam'zelle, ah c'est mieux.
Puis ce fut le charme exquis du plus doux baiser Que sur un bras blanc ma lèvre ait posé, Ce baiser m'avait conquis, troublé même au point Que je voulus aller bien plus loin, Mais voyant qu'elle tremblait de peur, Je compris enfin sa candeur :
Donnez-moi la main mam'zelle et ne craignez rien, Pardonnez mon trop grand zèle, donnez-moi la main. Voyez je suis sage, voici le rivage, Quittons-nous tels de bons copains. Donnez-moi la main bien vite, oui comme cela, Ne redoutez plus, petite, de faire un faux-pas. Reprenez votre ombrelle, faites-moi vos jolis yeux. Donnez-moi la main mam'zelle, Adieu.